Aujourd’hui, je craignais le vent, il m’a été plutôt très favorable, même si parfois, il était très défavorable.
Belle journée, sèche, venteuse et assez lumineuse, avec même du soleil.
Ce matin, j’étais un peu inquiet en démarrant, je trouvais ma roue arrière très dégonflée. D’habitude, je vais une fois pas semaine vérifier la pression dans une station service. Je m’étais dit, pneus neufs, chambre à air neuves, je vais être tranquille.
Ce matin, je craignais donc une petite fuite.
En passant à Bruyères, à la station-service d’un grand supermarché, j’ai pu regonflé mes pneux, à 4,5 bars, et ce soir il ne semble pas avoir perdu de pression.
Arrivé à Saint Dié des Vosges vers 13h, je poursuis jusqu’à Remomeix, au sud de Saint Dié, où Fernand a passé quelques jours fin octobre-début novembre 1918.
Retour à Saint Dié où je visite la cathédrale et son cloitre,
et je rejoins mon hôtel au nord d’où je partirai demain sans repasser par Saint Dié.
Ci-dessous, je vous fais un petit historique des déplacements de la compagnie 10/13 du 25 octobre 1918 au 5 novembre 1919, et vous propose quatres lettres de Fernand pendant cette période.
La compagnie 10/13 du 25 octobre au 5 novembre 1918
Du 10 au 16 octobre 1918, la compagnie 10/13 a participé au franchissement de l’Oise à Neuvillette, (Fernand fut cité à l’ordre de la 60° Division pour son action lors de ces combats, et le 21 octobre, il est nommé caporal).
Le 17 octobre, elle est relevée et part au repos à Caply, au sud de Breteuil (entre Amiens et Compiègne).
Le 25 octobre, la compagnie embarque en chemin de fer à Gannes pour Épinal, via Creil, la Grande Ceinture, Troyes et Port d’Atelier.
Le 26 octobre elle débarque à La Chapelle devant Bruyères et va cantonner à Vienville où elle prend 3 jours de repos.
Du 30 octobre au 5 novembre, la compagnie 10/13 va cantonner caserne Kellerman à Saint Dié des Vosges.
Un peloton est affecté à Nayemont, l’autre à Remomeix (le peloton de Fernand).
Travail : abris, abattage de bois, scieries.
Le 27 octobre 1918, Fernand écrit :
« Secteur 105 – Le dimanche 27-10-18
Mes chers parents
Alors que j’étais encore un tout petit garçon – il y a un joli bout de temps d’écoulé depuis – on me conta qu’il était jadis un vieux monsieur nommé Juif errant qui avait été condamné par Dieu à marcher toujours et sans cesse. Et chaque fois que le pauvre diable essayait de prendre un instant de repos une main mystérieuse le poussait et une voix impérative lui disait « Va ». Quand je devins grand garçon je cessai de croire à cette légende parce que je me refusais de croire qu’un sort si malheureux fut possible pour un mortel. Et voilà-donc pas qu’en ma trente-troisième année je suis forcé de reconnaître que cela est très vraisemblable puisque ce malheureux sort est devenu le mien propre depuis plusieurs mois.
Il y a trois ou quatre jours je vous disais : « Enfin nous sommes arrivés au repos. Il commence à être grand temps car nous sommes épuisés et nous allons pouvoir jouir un peu de quelques temps de quiétude ». Je n’avais pas plutôt jeté ma lettre à la boîte qu’ordre nous était transmis de nous tenir près pour partir dans la soirée. Le sac à dos encore une fois nous voilà sur la route et toute la nuit nous bouffons des kilomètres jusqu’au matin (c’est même tout ce que nous avons bouffé cette nuit-là).
Puis ce fut l’embarquement de toutes nos voitures et notre matériel dans le train. Nous-mêmes sommes entassés en un confortable wagon de première classe à bestiaux et siffle locomotive !!!
Quarante huit heures plus tard nous débarquons, les côtes moulues, dans le milieu du beau département des Vosges. Débarquement des voitures et matériel et rebouffage de route. Et voilà que ce matin je vous écris ces lignes d’un superbe petit village entre Épinal et St Dié.
Il faut que je vous dise que nous sommes tous content de nous trouver en cette région que nous n’avons encore pas connue. Elle manquait à notre collection. Après trois année de Champagne nous avons depuis rattrapé le temps perdu et nous auront bientôt fait tous les secteurs du front.Ce pays est superbe vraiment. Il faut dire qu’il fait un temps splendide et par un beau soleil comme celui-ci tout paysage semble joli. Je crois pourtant que ce pays ne doit même pas avoir besoin de soleil pour être agréable. Il est très pittoresque accidenté. Nous devons être au moins à 30 km du front. Y resterons-nous quelques jours. Dieu seul le sait. Espérons que oui.
En tous cas si nous pouvons prendre secteur devant nous ce sera de la chance. Le front a toujours été tranquille depuis 4 ans et je ne crois pas qu’il s’agite jamais beaucoup. En tous cas depuis ce temps il doit y avoir des cantonnements confortables et nous désirons tous y hiverner.
Je n’ai pas reçu de lettres de vous depuis celle de maman me disant Blanche et Margot malades. Je pense bien en avoir une aujourd’hui et l’attend anxieusement car je suis un peu inquiet.
Rien d’autre pour l’instant.
Je vous embrasse
Fernand »
Le 30 octobre 1918 :
« 9.11 Secteur 105 – le 30 octobre 1918
Mes chers parents
Le dernier courrier a dû vous apporter une carte de censuré. Je vous écrivais ma dernière lettre d’un petit pays entre Epinal et cette dernière ville. Le soir même nous remettions encore une fois sac au dos et après une marche de vingt cinq kilomètres nous arrivions en celle-ci. C’est une gentille petite localité très commerçante, gaie et mouvementée. On a peine vraiment à croire qu’elle n’est distante du front que deux à trois lieues.
Le secteur a toujours été si calme dans cette région que les civils y sont tous restés. Seul un quartier a été brûlé à la main lors de la ruée de 1914. Depuis les obus ont été très rares et l’on s’y croirait vraiment en quelques pays d’arrière.
Nous étions logés ce jour là dans la caserne. Cela m’a rappelé un peu le bon temps de la paix, je veux dire mon temps d’active. Je n’avais pas encore logé dans une caserne depuis la guerre. Si, pourtant, l’an dernier, à Verdun, caserne Marceau, mais il faut dire que cette caserne ne possédait que bien peu de murs et pas du tout de toit, alors, vous pensez bien que cette caserne ne me rappelait pas du tout le temps de paix.
Aujourd’hui je vous écris de censuré (ou un nom comme ça), nous sommes à quatre kilomètres des boches et le village est encore pleins de civils.Je n’ai point encore entendu un coup de canon et il paraît que le son en est rare.
Somme toute, nous avons eu avantage à n’avoir qu’un repos raccourci et même annulé puisque nous voilà en un secteur de repos, meilleur que le repos lui-même parce qu’il nous laisse espérer un séjour un peu plus long, j’espère que nous allons rester là un mois et demi ou deux.
D’ici-là qu’arrivera-t-il. A ce moment-là ma permission sera proche, à moins que … sait-on jamais … Si pourtant les boches ne me laissait pas le temps de jouir de cette permission … s’ils allaient flancher avant ? Sait-on jamais ? Je ne veux pas y croire pourtant. Cependant tout marche bien !!!
La lettre de père reçue hier me laisse inquiet et j’attends anxieusement celle promise pour aujourd’hui. Je veux croire que Blanche est au mieux. Ce ne sera probablement qu’une petite grippe comme celle de Marguerite. J’attends des nouvelles.
Je pense pouvoir ici me procurer du tabac et compte en envoyer un colis ces jours-ci.
Je vous embrasse
Fernand »
Le 2 novembre 1918 :
« Secteur 105 – Le 2 novembre 1918
Mes chers parents,
J’ai reçu successivement les deux lettres de père et mère. J’avais été très inquiet par l’annonce de cette maladie de Blanche. Les dernières nouvelles étant bonnes, me voilà un peu rassuré. J’aime à croire que vous ne me laisserez pas longtemps sans lettres et que celles-ci m’apporteront l’assurance certaine que notre Boum est complètement cette fois hors de danger. A ton tour ma chère te voilà au champagne, mais tu as rudement de la chance savez-vous. J’en prendrai bien ma part de la bouteille moi aussi. J’aime ça !
A propos j’allais encore oublier de vous accuser réception de beurre, mandat et billet le tout bien reçu en son temps et en bonne condition. Le produit du souriant Bounieau est particulièrement bon et ce mode de morceau 1/2 livre m’est pratique. Merci.
Nous sommes toujours à Remomeix Vosges. De ce coup-là au moins, vous pouvez être exempt d’inquiétude à mon sujet (c’est bien le moins de faire ça pour vous, puisque Blanche s’en mêle). Sous tous les rapports je suis au mieux. Secteur calme au possible. Dans un joli petit pays habité. Ravitaillement facile. Travail doux. Tout au mieux quoi ! C’était bien notre tour aussi !
Hier. Toussaint. J’ai pensé particulièrement à notre pauvre grand-mère que je ne suis pas près d’oublier.
Maman me demande un mot sur les opérations. Je suis forcé je crois de me répéter. Enfin voilà. En fait, tous les alliés de l’Allemagne l’ont lâché et elle reste seule. Toute chance pour elle de pouvoir résister victorieusement est perdue. Pourtant il faut songer que voilà un peuple qui hier encore se croyait le maître du monde, un peuple gouverné par un parti militaire et ayant confiance en lui.Ce parti militaire, cette armée Kolossale avait, il y a trois mois, encore tout un passé de conquête, l’Autriche en 66, la France en 71, toute l’Europe depuis 4 ans, elle avait tenu partout et battu presque partout. Une réputation pareille ne se détruit pas en trois mois et je crois que le peuple allemand croit encore en son armée, je suis plus certain encore qu’elle adore son Kaiser. Il lui obéira encore et se fera encore tuer pour lui. Or celui-ci sait très bien ce qui l’attend. Il faut qu’il saute et il sautera. Comme Napoléon il y a cent ans. Il semble que le devoir devrait commander à cet homme d’abdiquer immédiatement. Il éviterait ainsi une plus longue profusion de sang. … mais il ne le fera pas. Pourtant je ne crois pas qu’il suive encore de suite l’exemple de notre grand conquérant à nous. Il est entouré et peut-être maîtrisé lui-même par ce fameux parti militaire qui doit sauter avec lui et il reculera encore avant de faire le saut. Jusqu’à la dernière limite. Espérant toujours contre toute espérance. Sait-on jamais !!! Et les semaines et les mois passeront avant la paix. Parce que s’il faut réellement non seulement battre, mais abattre en partie l’armée allemande le travail reste encore gigantesque. Le boche recule, mais n’est pas abattu. Cette année se sentant plus faible refuse pour ainsi dire le combat, ne tenant que les points nécessaires à l’opération d’une retraite qui semble être fort bien conduite. Nous avons forcé le boche à reconnaître notre supériorité. Il a reculé devant nous. Nous ne l’avons pas abattu.
Bref ! Ne nous mêlons pas de prédiction. Moi je reste pourtant sceptique quant à une paix très prochaine. La plupart de nos camarades sont d’un avis contraire. Puissent-ils avoir raison !!! Oh comme je le voudrais !!!
Dans deux mois enfin il se pourrait que je sois tout proche de ma permission. A ce moment-là nous en reparlerons.
En attendant je souhaite à Blanche une guérison prompte et complète et prochaine.
Et je vous embrasse
Fernand »
Le 4 novembre 1918 :
« 9.12 Secteur 105 – le 4 novembre 1918
Mes chers parents,
Le beau temps dont me parlait maman l’autre (jour) et qui disait-elle contribuerait beaucoup au prompt rétablissement de Blanche a déserté nos lieux. Comme vous, nous en avons joui pleinement durant une bonne semaine et cela était bien agréable. Les nuits étaient bien froides par exemple. Les pays vosgiens sont très froids. Mais le soleil dorant nos montagnes était si joli à voir, et si bienfaisant que nous aurons bien voulu voir cette température continuer.
Malheureusement depuis hier c’est la pluie et le brouillard et ces deux hôtes indésirables ne nous enchantent point du tout. Je veux croire qu’ils mettront plusieurs jours à franchir les 7 ou 800 km qui nous séparent et qu’à ce moment-là la convalescence n’aura rien à craindre de leur mauvaise influence.
Que vous raconterai-je de ma vie actuelle. Je n’ai pas à me plaindre sous aucun rapport. Depuis deux jours je suis de service de garde près d’un pont miné. Notre poste se trouve sur une route très passagère juste entre deux petits bourgs et ma foi on ne trouve pas le temps trop long. Les civils sont encore très nombreux par ici et vraiment on ne se croirait pas si proche du front.
Comme je suis chef de poste je n’ai même pas l’ennui de me faire mouiller dehors et d’y passer une partie de la nuit. Je ne puis faire que boire, manger, dormir et regarder les passants. C’est peu me consentirez-vous pour un homme jeune dont les forces pourraient tellement être occupées dans la vie normale de façon intéressante. Pourtant j’ai connu tellement de moments pénibles que je ne veux pas récriminer sur notre sort. A vrai dire, je n’y songe même pas.
Je comptais recevoir tout à l’heure une lettre de vous. J’espère que Blanche est mieux, mais j’aimerais pourtant qu’un mot me confirmât cette espérance.
Je vous embrasse
Fernand »
Pont-canal sur la Moselle en quittant Épinal.
Pont-canal sur la Moselle en quittant Épinal.
Dogneville.
Viménil.
Maison (ancienne ferme ?) typique des Vosges, à Grandvillers.
Maison (ancienne ferme ?) typique des Vosges, à Grandvillers.
Bruyères.
Église de Bruyères
Église de Bruyères
Église de Bruyères
Saint Jacques, statue du XVe siècle dans l’église de Bruyères.
Hôtel de Ville de Bruyères.
Place Stanislas à Bruyères, conquise sur des marécages vers 1770, sous le règne de Louis XV le Bien Aimé. La fontaine date de 1788.
Place Stanislas à Bruyères, conquise sur des marécages vers 1770, sous le règne de Louis XV le Bien Aimé. La fontaine date de 1788.
A la mémoire de Jean Antoine Villemin, médecin inspecteur de l’armée qui montra la transmissibilité de la tuberculose.
Monument aux morts de Bruyères.
Paysage en approchant de La Chapelle devant Bruyères.
Guerre 14-18 – jour 17 La Chapelle devant Bruyères.
Maison (ancienne ferme ?) typique des Vosges, à La Chapelle devant Bruyères.
En approchant de Vienville.
Du côté de Vienville.
Corcieux.
Corcieux.
Taintrux.
Taintrux.
Taintrux.
La gare de Saint Dié des Vosges, plus imposante que celle de Nancy ! Un train direct par jour pour Pais le matin et retour le soir. Train toutes les heures pour Nancy, toutes les deux heures pour Strasbourg, mais beaucoup plus à l’heure de pointe.
L’église Saint Martin de Saint Dié des Vosges.
La Meurthe à Sainte Marguerite.
Église de Remomeix.
Mairie et École de Remomeix.
Pont sur la Fave à Remomeix.
La Fave à Remomeix.
LGuerre 14-18 – jour 17 a Fave à Remomeix.
La rue Thiers à Saint Dié des Vosges décoré en l’honneur de la libération de la ville par les Américains le 22 novembre 1944. (pas la la guerre 14-18, mais 39-44).
La cathédrale de Saint Dié des Vosges.
La cathédrale de Saint Dié des Vosges.
La cathédrale de Saint Dié des Vosges.
Le cloître de la cathédrale de Saint Dié des Vosges.
Le cloître de la cathédrale de Saint Dié des Vosges.
Le cloître de la cathédrale de Saint Dié des Vosges.
Le cloître de la cathédrale de Saint Dié des Vosges.
Reste du Palais de la Galazière construit de 1780 à 1782 pour accueillir l’Evêque, dynamité en 1944, seule la façade a été conservée.