Excellente journée !
De la neige était tombée en début de nuit et elle n’avait pas fondu.
J’ai quitté Verdun avec beaucoup de précautions, surtout dans les descentes.
Pendant une dizaine de kilomètres, je suis sur une grande route. Dans mon sens, il y a peu de circulation, mais le trafic est suffisant pour que la route soit déneigée au centre de la partie droite de la route, le bas-côté est bien enneigé, et il ne faut pas y rouler. Première montée, 100 mètres de dénivelé, descente de 50 mètres et remontée de 160 mètres pour arriver à un espèce de col à 380 mètres d’altitude, au niveau de l’aérodrome de Versun-Sommedieue.
Puis je n’aurais que des petites routes jusqu’à l’arrivée à Bouxières aux Dames, la banlieue nord de Nancy où je loge ce soir.
L’inconvénient de ces petites routes où je suis tout seul, c’est qu’il y a peu de passages et qu’il reste beaucoup de neige.
Je croise deux caravanes de chasseurs, une dizaine de voitures à chaque fois.
Il faut dire que je traverse le parc naturel régional de Lorraine, couvert de forêts.
Plaisir de rouler dans ces paysages enneigés.
Fernand évoque la neige dans ses lettres
Le 9 mars 1917, il est à la Maison Forestière, du côté de Mesnil-les Hurlus, dans ce qui est aujourd’hui le camp de Suippes, il écrit :
« Et durant que je vous écris il neige il neige et il neige. Et pendant ce temps-là j’entends du canon qui tape très dur à gauche vers Aubérive. J’entends même la mitrailleuse. Il doit se passer là-bas quelque attaque. Par ce temps-là !!! Mon Dieu que de misères !!! »
mais le 26 novembre 1917 (à cinq jours près, le même jour, aujourd’hui 107 ans plus tard),
sa compagnie est au repos à Heiltz le Maurupt (à 50 kilomètres au sud-ouest de Verdun) après avoir passé un mois à Verdun, le moral est bon et en parlant de la neige, plus poétique, il écrit :
« Madame la neige a fait son apparition en nos parages. Madame la neige m’est assez sympathique et sans désirer vivement ses visites, je ne les redoute pas ainsi que celles de sa sœur madame la pluie.
L’an dernier pourtant elle fut plutôt indiscrète en prolongeant son séjour parmi nous plus qu’il était séant.
Je la reçois pourtant ce matin avec les honneurs qui lui sont dus, mais j’espère que cette fois son passage chez nous sera plus bref.
Les arbres de ma forêt sont recouverts d’un épais duvet blanc, et à chaque coup de hache asséné à leur base ce duvet nous tombe sur les épaules.
Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est agréable, mais c’est une revanche que prennent sur nous ces pauvres arbres qui jusqu’ici se laissaient abattre sans se défendre. Ils se contentent seulement quand le dernier coup les terrasse de se laisser choir avec un grand bruissement de branches qu’on dirait un soupir.
Notre forêt est superbe et si paisible, si tranquille.
Quel différence entre ces épais taillis tels que le bon Dieu les as fait et d’autres que j’ai connus et sont tels que les a laissés la brutalité la sauvagerie de l’homme. »
Je passe aux Eparges, lieu d’une fameuse bataille de février à avril 1915, Maurice Genevoix y combattit et y fut gravement blessé.
Je ne monte pas jusqu’au champ de bataille (3 kilomètres de montée), c’est un cul de sac, aucune voiture ne sera probablement passée par là. Il aurait été probablement difficile de rouler.
Par contre un peu plus loin, je roule sur la Tranchée de Calonne, une route forestière qui fut l’enjeu de combats acharnés en 1914-1915 et je passe non loin du lieu où fût tué Alain Fournier et 20 de ses compagnons.
Pour finir, j’arrive à Bouxières aux Dames vers 16h30. Il neige à petits flocons depuis plus d’une heure, mais la neige ne tient pas et ne mouille pas, et j’ai eu très peu de vent dans la journée, mais un temps très gris.
Quel beau paysage sous la neige, pendant qu’ici, hier c’était forte pluie et plus tard la tempête! Là-bas en vélo…pas évident!
Quelle superbe plume ce grand père Fernand! un véritable écrivain!
bonne route Pierre.